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JEZABEL

Dossier médical

Dysménorrhée invalidante. A 16 ans anorexie, IMC : 17. A 16 ans premier épisode de douleurs articulaires atypiques, parésies, paresthésies au niveau des membres inférieurs, paraplégie transitoire qui récidiveront motivant plusieurs hospitalisations, bilans négatifs. A 24 ans cure de rétroversion utérine pour algies pelviennes chroniques, sans résultat. Quatre fausses couches dont une à 4 mois. Naissance d'une fille à 29 ans d'un garçon à 32. A 48 ans cancer de l'endomètre.

Sa vie

« Ma grand-mère était fille mère, elle s'est mariée à un avocat aveugle de guerre. Il a abusé sa propre fille qu'il avait eue auparavant, et les trois petites filles de sa femme. J'ai été abusée par lui à 4 ans quand j'allais en vacances chez ma grand-mère. Elle me faisait dormir avec lui, et elle allait dormir ailleurs. Ce faux grand-père me caressait, me pénétrait avec ses doigts, me léchait, me faisait des cunnilingus. Il me disait : 'Tu aimes ça, ça te fait du bien.' Cela a duré deux ans, il m'a fait promettre de ne pas en parler. Je n'en ai pas parlé, je l'ai occulté complètement. J'ai été toute mon enfance un garçon manqué avec cheveux courts et habits de garçon, comme pour me protéger, pour refuser d'être une fille, pour passer inaperçue. A 12 ans à la puberté j'ai commencé à avoir mal partout. A 16 ans après le décès de ma mère, j'ai commencé à avoir des symptômes neurologiques atypiques des jambes de type paresthésies, parésies, troubles moteurs. Je ne pouvais plus marcher, comme s'il y avait une déconnexion entre ma tête et mon corps, comme ce que j'ai probablement dû être obligée de faire quand j'avais 4 ans. Les symptômes durent depuis ce temps-là, j'ai eu de nombreux bilans, on a évoqué une SEP qui n'a jamais été confirmée. J'ai toujours été en souffrance physique, enfant, je ne pouvais pas courir, comme s'il m'était impossible de m'échapper. A certaines périodes j'ai dû prendre beaucoup d'antalgiques pour me soulager.

Mes ennuis gynéco ont commencé très vite après mes premières règles à 13 ans. J'ai eu des règles toujours très douloureuses et très abondantes, elles duraient 15 jours par mois, je n'en voulais pas de ces règles, comme si je refusais ma féminité. Cela a été l'horreur pour moi d'avoir été une femme avec des règles 6 mois par an. Je pense maintenant que je voulais me rendre indisponible pour les rapports, quel qu'en soit le prix. J'ai été embêtée toute ma vie avec cela, la galère toute ma vie jusqu'à mon hystérectomie à 48 ans à cause de mon cancer de l'utérus. Je pense que je suis allée jusqu'à faire un cancer de l'utérus pour exorciser délibérément ce refus de féminité. Dans le même esprit, à 35 ans je me suis fait opérer pour réduire ma poitrine. J'ai eu également des douleurs pelviennes qui ont entraîné une intervention chirurgicale : une cure de rétroversion utérine, ce qui n'a strictement rien changé au problème, donc j'ai été opérée pour rien. J'ai fait de l'anorexie, j'ai pesé 45 kg pour 1m65, jusqu'à la naissance de ma fille à 29 ans, puis j'ai repris un poids normal après sa naissance. J'ai fait 4 fausses couches, trois précoces et une à 4 mois, j'ai pensé que c'était à cause de ce qui s'était passé, j'étais très culpabilisée.

C'est au moment du premier rapport sexuel que cet épisode traumatique occulté de mon enfance est remonté à la conscience. Ce premier rapport sexuel à 18 ans s'est mal passé, et les suivants pas mieux. Ma sexualité a été difficile, peu fréquente. Cela a été un manque cette sexualité de misère, alors que paradoxalement je m'en protégeais de la sexualité. J'ai été mariée pendant 30 ans, j'ai eu des rapports seulement pendant les deux premières années de mon mariage. Et bien souvent, les hommes que j'ai rencontrés depuis mon divorce sont impuissants, comme si je les choisissais comme cela. Je suis actuellement avec un homme depuis trois ans, j'ai eu 2 rapports avec lui, car sa femme sur son lit de mort lui a fait promettre de ne pas refaire sa vie. Je m'épanouis maintenant avec les sex toys, le plaisir déconnecté des sentiments, un sex toy me donne envie, un beau mec non. Voyez où il faut en arriver pour savoir que son corps marche bien et peut quand même s'épanouir. »

Sa réflexion

« J'en ai parlé pour la première fois à 40 ans quand j'ai vu un psychologue lors d'une hospitalisation pour mes problèmes neurologiques. Puis à 48 ans quand j'ai vu pendant un an et demi une psychologue après mon cancer, elle m'a fait énormément de bien, la psychothérapie m'a apporté énormément. Je pense que, si je l'avais faite à 20 ans, je n'aurais pas souffert toute ma vie comme cela. Si j'avais eu l'écoute, cela aurait complètement changé ma santé, mais je n'avais pas de référents à qui le dire, je n'avais pas d'écoute chez moi, ce qui est une vraie souffrance et on ne m'a jamais posé la question. Mes parents ne s'occupaient pas assez de moi, je me faisais coller au collège pour ne pas rentrer chez moi. Ma mère ne l'a jamais su et mon père, je le lui ai dit quand il a eu 80 ans. Mes enfants le savent.

Peut-être que s'il y avait eu un médecin en qui j'avais eu confiance qui me pose la question à l'époque des faits, j'aurais pu le dire. Mais non seulement mon médecin traitant n'a pas posé la question mais il a eu les mains baladeuses, le premier médecin du travail aussi et le policier qui est venu m'annoncer que ma mère était morte dans un accident de voiture également. »

Tous les noms propres ont été anonymisés.