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LYSISTRATA

Dossier médical

Plusieurs consultations dans l'enfance pour mauvaise vision, mauvaise audition : examens médicaux normaux. A 11 ans, migraines ophtalmiques avec aura visuelle et troubles de l'audition. A 13 ans, début de crises d'épilepsie généralisées trimestrielles et de crises partielles avec troubles visuels pouvant être quotidiennes, résistantes aux traitements. A 20 ans, tentative de suicide, naissance d'un garçon. A 21, ans état de mal épileptique, hospitalisation 15 jours, recherche génétique d'une mutation du gène de la filamine A en cours. Herpès, mycoses vaginales post coïtales à répétition. A 24 ans, hospitalisation pour algies pelviennes inexpliquées.

Sa vie

« Je suis l'aînée d'une fratrie de 4 enfants. J'ai eu un petit frère, ensuite une demi-sœur et un demi-frère par ma mère. Mon enfance a été difficile. Mon père était alcoolique, absent, je n'ai aucun bon souvenir avec mon père, il n'était jamais là ni à Noël, ni aux anniversaires, ni aux fêtes. Quand il était là, il était ivre et c'était la violence ; il frappait ma mère, j'ai été témoin de cette violence. J'ai vu des scènes terribles : je l'ai vu un jour la prendre et la mettre au-dessus du balcon, menaçant de la lâcher, il ne l'a pas fait mais il a eu le geste, j'avais 8 ans. J'ai entendu certaines scènes que je n'ai pas vues, j'entendais ma maman crier ; alors je me mettais sous la couette et je mettais mes mains sur mes oreilles parce que je ne voulais pas entendre, j'avais peur même s'il ne frappait pas les enfants.

Ma mère s'est séparée de mon père quand j'avais 8 ans. Pendant une petite année il nous prenait pendant les vacances pour embêter ma mère. Je devais m'occuper de mon petit frère qui avait 3 ans, faire la cuisine, le ménage, pendant qu'il allait boire avec ses copains. Puis ensuite il nous a pris seulement une fois l'an, au moment de son anniversaire, c'était un week-end de beuverie. Je ne voulais pas voir cela, je ne voulais pas voir mon père dans cet état-là. Ce n'était pas intéressant du tout et malgré cela, je voulais quand même protéger mon père, je n'en parlais pas à ma mère. Ensuite, je ne l'ai pas vu pendant 4 ou 5 ans, puis j'ai repris contact quand j'ai été enceinte, nous nous sommes un peu vus.

Ma mère m'a dit que quand j'étais enfant je me plaignais de mal voir, de mal entendre ; elle m'a emmenée plusieurs fois chez le médecin pour cela, tout était bien, il ne comprenait pas pourquoi. Ma mère a eu un nouveau mari qui a été gentil avec moi, il a endossé le rôle de papa, cela n'a pas été facile pour lui. J'ai eu du mal à l'accepter, même si au final, j'ai compris que c'était lui mon vrai père.

J'ai eu mes premières règles à 13 ans, j'étais prévenue, elles se sont bien passées. J'ai eu mon premier rapport à 15 ans, ce rapport a été consenti mais vite regretté, mon partenaire avait 26 ans. Je suis restée un an avec lui ; les rapports ont souvent été non désirés, sous la contrainte, la menace. Il avait l'ascendant de l'âge. J'avais prévenu ma mère que j'avais des rapports, elle n'a pas su qu'ils étaient forcés, violents, sous la contrainte. Cette année-là a été difficile, je ne savais pas ce qu'il fallait faire, j'ai réussi à me séparer de lui à 16 ans. Ensuite je me suis vengée, j'ai fait n'importe quoi, j'ai pris, j'ai jeté. Puis, à 19 ans, j'ai rencontré le père de mon fils, je suis restée 2 ans avec lui, là encore il y a eu des violences. D'abord des violences verbales, il me disait que j'étais bonne à rien, juste à faire la bouffe qui était d'ailleurs immangeable, que j'étais une salope comme les autres, une pute comme les autres. Il me disait : 'Sans moi tu n'es rien.' Ensuite il y a eu des violences physiques et sexuelles. Pendant les 2 ans où je suis restée avec lui, j'ai fait des crises d'épilepsie généralisée ; après la crise, quand je me réveillais, j'étais nue, je n'ai jamais osé lui demander pourquoi. J'ai fait une tentative de suicide à 20 ans et j'ai toujours parfois des idées suicidaires. J'ai réussi à le quitter, c'est la plus belle chose qui me soit arrivée.

Depuis 18 mois j'ai un nouveau compagnon avec qui ça se passe bien sauf que les rapports sont difficiles, voire impossibles. Je n'ai pas eu de rapports depuis 3 mois, j'ai envie de me donner mais je n'y arrive pas. Au début du rapport, le simple contact physique me dérange : dès qu'il me touche je me sens agressée, les images de mes précédents rapports me reviennent. C'est comme s'il me fallait du temps pour comprendre que c'est mon partenaire actuel, qui est un homme bien, et seulement à ce moment-là le rapport se passe bien. J'aimerais faire un bébé mais c'est plutôt la séparation qui se profile à l'horizon à cause de ce problème de rapports.

J'ai toujours mes crises d'épilepsie généralisée trimestrielles ou semestrielles et des crises partielles journalières, voire pluriquotidiennes, avec troubles de la vision et de l'audition pendant une ou quelques secondes pendant lesquelles je ne vois plus, j'entends vaguement mais je n'imprime pas. Je n'ai fait aucune crise partielle pendant ma grossesse et une seule crise généralisée à 5 mois. »

Sa réflexion

« Le sentiment le plus difficile pour moi est la culpabilité. J'ai l'impression que tout ce qui arrive est toujours de ma faute, cela me bouffe, me rend malade. J'ai pu un peu alléger ce sentiment en parlant beaucoup avec ma mère, avec les médecins. J'ai repris contact avec mon père, j'ai réussi à lui dire seulement une partie des choses que je voulais lui dire. Il s'est excusé, mais il y a des choses que je ne peux pas pardonner : d'avoir été absent, de ne pas m'avoir protégée. Je ne lui pardonne pas d'avoir frappé ma mère, ni la scène au-dessus du balcon. Quand je pense à mon père, je vois les images de violence, l'image du balcon revient et je ne veux pas voir, les cris de ma mère que je ne veux pas entendre. J'associe mon père à ces images.»

Tous les noms propres ont été anonymisés.