OCTAVIE
Dossier médical
Crises de spasmophilie à l'adolescence. A 12 ans première entorse de genou. A 13 ans début de mycoses vulvaires qui seront incessantes, très douloureuses entrainant de nombreuses consultations. A 14 ans eczéma sur tout le corps, kystes des racines dentaires. A 39 ans fausse couche précoce.
Sa vie
« Je n'ai pas été désirée. Ma mère était une femme soumise, mon géniteur l'a abandonnée quand j'avais un an, je n'ai revu celui-ci qu'à 12 ans. Ma mère s'est remariée, mon beau-père était un homme violent, autoritaire, j'en avais peur, nous étions pauvres, parfois j'avais faim, si bien que quand mon père est venu me chercher à l'âge de 12 ans, alors qu'il n'avait jamais demandé de mes nouvelles, je me suis dit que j'allais échapper à la misère, j'étais contente. Pendant 2 ans j'ai vécu seule avec lui, dans un petit studio, je dormais dans le même lit que lui. Il était collé à moi, il se frottait contre moi, me caressait, j'étais terrorisée par les nuits, je dormais peu, j'attendais le lever du soleil pour me lever. J'étais perdue, je pensais que c'était mal, je me sentais sale, mais je ne savais pas si c'était normal, si c'était comme cela qu'un père aime sa fille, je n'avais personne à qui en parler. A 13 ans, mon père m'emmenait dans les boites de nuit, je buvais de l'alcool. Il disait alentour : 'Regardez comme elle est belle ma fille !' Ensuite, fragilisée, j'ai subi des attouchements, et il y a eu les tournantes dans les caves pendant 2 ans avec les ados du quartier. Je me laissais faire, j'avais tellement peur qu'on me maltraite si j'en parlais, peur que mon beau-père l'apprenne et me frappe. J'étais sidérée, je pensais que tout cela pouvait se voir sur moi, sur ma figure, j'avais peur. Je me tenais toujours très voûtée, je ne voulais pas que l'on voie mon visage, ma poitrine, j'étais toujours en col roulé, je peux mettre des décolletés depuis un an seulement. Et je n'avais toujours aucun référent à qui en parler.
Puis les mycoses incessantes sont arrivées, vers 13, 14 ans, très douloureuses, récidivant sans cesse jusqu'à mes 37, 38 ans ; depuis elles ont diminué puis disparu. Enfant, j'allais laver mes petites culottes en cachette, j'avais peur que ce soit grave. A la énième consultation d'un gynéco, il m'a dit : 'C'est dans votre tête !', j'ai effectivement eu la crainte d'être folle. Ce qui n'a pas arrangé les crises d'angoisse, de spasmophilie qui sont également arrivées à ce moment-là et ont duré jusqu'à 28 ans. A l'adolescence, j'ai fait un eczéma sur tout le corps au moment des tournantes, j'ai fait 3 entorses du genou, je n'arrivais pas à tenir debout. J'ai été opérée 4 fois de kystes des racines dentaires, comme si ces kystes voulaient m'empêcher de parler, alors que j'étais une petite fille qui hurlait de douleur, une petite fille qui n'avait aucune confiance dans les adultes.
J'ai eu mon premier rapport sexuel à 18 ans, très douloureux, il fallait faire plaisir, toujours la peur de ne pas être aimée. J'ai rarement eu envie de sexe, je me laissais faire, après l'amour je me retournais et je pleurais, et la pénétration reste toujours difficile. »
Sa réflexion
« J'ai vécu un traumatisme atroce, comme si on m'avait enlevé une partie de ma vie, une partie de ma féminité. Après ces violences, je ne voulais plus être une femme. J'ai débuté une psychanalyse à 32 ans qui a duré 8 ans, qui m'a beaucoup aidée. Pendant ma psychanalyse, j'ai visualisé mon père me mettant son sexe sur la bouche quand j'étais bébé, probablement avant un an puisqu'il est parti à ce moment-là. Quand je parle à ma mère de cette année-là, elle se met à pleurer, et refuse d'en parler. J'ai appris que mon père, lui aussi, avait été abusé dans son enfance. Puis j'ai pu en parler avec vous ma gynécologue à 36 ans et vous m'avez aidée à comprendre que je n'étais pas folle et que ces mycoses incessantes étaient liées à mon histoire, ma souffrance de femme. Depuis je ne suis plus gênée par ces symptômes.
Je suis toujours très ambigüe dans mon désir ou non de grossesse, quand j'ai fait ma fausse couche, je ne savais pas si j'étais contente ou pas. En fait, je ne veux pas d'enfant, je n'ai pas envie qu'un enfant vive des choses moches comme moi et j'ai trop peur de reproduire le schéma parental, ma mère m'a donné une image de la féminité très dégradée, et l'inceste de mon père pose toujours problème. Parfois j'ai envisagé une grossesse par insémination, sans père. »