OENONE
Dossier médical
A 17 ans fissure anale qui sera opérée trois fois. A 23 ans naissance d'un garçon, cystites à répétition. A 24 et 36 ans naissance d'une fille. A 26 ans mort in utero à 6 mois de grossesse. A 28 et 39 ans naissance d'un garçon. A 41 ans polyarthrite rhumatoïde (maladie auto-immune). A 42 ans valvulopathie mitrale secondaire à la prise d'Isoméride pris pour obésité. A 50 ans apparition de bronchites asthmatiformes. A 51 ans fibromyalgie. Incontinence anale. Hospitalisations de 3 à 4 semaines en psychiatrie à 29, 62 et 65 ans. A 63 ans cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire). A 65 ans hospitalisation de 3 semaines pour vomissements incoercibles non étiquetés. Obésité morbide Poids : 105 kg, Taille : 1,56 m, IMC à 43.
Sa vie
« Je suis la dernière d'une fratrie de 9 enfants. Je fais partie d'une famille de militaires. Mon grand-père était commandant, il est mort pendant la guerre de 1914-1918 en emmenant ses hommes à l'assaut. Mon père a été orphelin de père à 11 ans, lui aussi a fait une carrière militaire. Il était très érudit, très joyeux, il m'a donné beaucoup d'amour même s'il était très sévère. Ma mère était plus difficile, elle m'a révélé qu'elle ne me voulait pas, m'a dit qu'elle ne m'a jamais donné le biberon : elle me calait avec des serviettes et le biberon. Elle était musicienne, elle jouait du piano et du violoncelle ; moi aussi, j'ai fait le conservatoire, la musique m'a beaucoup aidée dans ma vie.
A cinq ans quand j'étais en grande section, un garçon de l'école m'a mis un crayon dans l'anus. Avec une de mes sœurs, nous avions des rapports difficiles, quand j'avais 7 ans, et elle 12, elle m'a fait jouer à des jeux dangereux, elle a demandé à un copain de me prendre la température avec un bout de bois, j'ai eu très mal, je l'ai très mal vécu, et j'ai été grondée par ma mère d'avoir joué à ces jeux-là. A l'âge de 11 ans, une petite copine et moi roulions à vélo en campagne, des gendarmes nous ont arrêtées, et nous ont tripoté les seins. A 12 ans, je suis allée passer le week-end chez une amie, et son père nous a fait de attouchements avec pénétration digitale, après il s'est pendu, on n'en a jamais parlé aux parents. J'ai été pas mal malade enfant, j'ai fait entre autres des angines à répétition, à cause de cela, je suis sortie de l'école à 14 ans. Mon père a été mon précepteur pendant plusieurs années. Quand j'avais 6 ans, ma sœur aînée qui avait à peine 18 ans, donc était mineure à l'époque, est partie en Angleterre sans prévenir mes parents avec un homme de 10 ans son aîné. Mes parents étaient très inquiets de sa disparition ; le jour où elle est revenue sans prévenir, quand elle a passé la porte, mon père a fait sous nos yeux un infarctus. L'image est restée intacte dans ma mémoire, je me suis juré : 'Jamais mon père ne se fera de souci pour moi.'
C'est pourquoi, j'ai accepté de me marier, ou plutôt d'être mariée à 22 ans. Je l'avais rencontré seulement 6 fois, il était militaire lui aussi. J'étais vierge, le soir du mariage il m'a éperonnée sur son sexe, et j'ai tout de suite compris qu'il était violent. Il aimait la brutalité, il me laissait m'endormir et me réveillait brutalement en me prenant par derrière, il aimait me faire mal. Souvent il se masturbait pour réussir un rapport. Il m'a emmenée en voyage de noces, et nous sommes passés chez son grand-père qui était lui aussi officier. J'ai appris que ce grand-père avait violé son fils et ses deux filles. Il faut être vraiment tordu pour emmener sa jeune femme chez un violeur. J'ai voulu me sauver lors de ce voyage, mais je n'avais pas d'argent. J'ai appris plus tard que mon mari avait, lui aussi, été abusé à partir de 10 ans pendant plusieurs années par un voisin qui habitait sur le chemin de l'école, ensuite au pensionnat par un garçon plus grand, et encore par son oncle quand il venait en vacances, il ne m'en a jamais parlé.
Mon mari a voulu que je sois enceinte rapidement, il voulait des enfants à la maison, j'ai reporté tout mon amour sur mes enfants. La mort in utero du troisième à 6 mois a été très difficile : à l'hôpital, ils ont supprimé le fœtus avec les produits d'avortement, il n'y a pas eu de cérémonie. Ensuite, j'ai voulu quitter mon mari mais personne de ma famille n'a voulu m'aider, et je n'avais pas d'argent, j'ai dû rester et j'ai eu trois autres enfants. J'ai commencé à faire une dépression un an après le mariage, j'ai commencé à prendre des antidépresseurs à ce moment-là j'avais 23 ans, et j'en prends toujours depuis ce temps, depuis 45 ans. Mon mari m'a mise en dépression toute ma vie, et cela l'arrangeait que je prenne des médicaments qui diminuaient ma vigilance.
Un jour de juin de l'année de mes 50 ans, mon dernier avait 11 ans et j'ai surpris son père en train de le sodomiser. J'ai immédiatement déménagé avec mes trois derniers enfants, les deux aînés avaient quitté la maison, et j'ai porté plainte. Mon mari a été jugé en correctionnelle et pas aux assises car c'était plus rapide, et aussi car il était gradé. L'audience du procès a duré quatre heures, et j'ai assisté médusée aux témoignages de mes cinq enfants qui ont tous été abusés par leur père pendant toute leur enfance. Et je ne m'en suis pas rendu compte !! Et les enfants n'ont rien dit ! Mon mari leur disait : 'Si vous le dites à votre mère, elle va mourir, comme votre tante.' Ma sœur était morte d'un cancer en 10 mois. Les enfants avaient vu la dégradation progressive de leur tante qu'ils aimaient. Deux neveux sont venus témoigner au procès et ont également porté plainte contre mon mari pour abus. J'ai voulu tuer mon mari. Il a été condamné à 9 ans de prison, il a fait appel, il a eu 7 ans et en a fait seulement quatre. Il a été déchu de ses droits paternels et il a perdu toutes ses décorations. Cette condamnation a été très importante pour moi et pour mes enfants qui ont sauté de joie, ils chantaient : 'Dans les prisons de Nantes il y avait un prisonnier qui se faisait enculer, ça lui faisait les pieds.' On a été heureux quand il a été en prison. Il est resté quelque temps en liberté avant d'être incarcéré, et il vivait près d'une école, je le savais, je ne dormais plus, il y a eu 15 plaintes. Il avait demandé en fin de carrière à être inspecteur dans les colonies de vacances, il a aussi à un certain moment fait le catéchisme ! Je pense que mon mari m'a épousée car j'étais une sorte de couverture, de plus j'étais d'une famille nombreuse, il y avait beaucoup de neveux et nièces à proximité.
Mon aîné a été abusé peu de temps, il s'est révolté, mon mari l'a envoyé rapidement en pension. La seconde a fait une grave dépression à 20 ans, elle a fait deux tentatives de suicide. Elle a fait trois ans de noviciat puis a quitté le couvent. Elle s'est mariée, a fait 3 fausses couches a eu un enfant. Elle pèse 130 kg. Le troisième a eu des conduites à risque, il s'est mis à voler, a commencé à boire, à 14 ans, il montait sur le toit, faisait du VTT en état d'ébriété, il a eu de nombreuses factures. Il se débrouillait pour être absent quand son père était là. Et je n'ai pas deviné, je n'ai pas compris pourquoi. Il boit toujours pas mal. Il a trois enfants. La quatrième est en grande difficulté, elle a été martyrisée. A cinq ans, elle s'est coupé les cheveux à ras, elle a dit que c'était pour être vilaine, et je comprends cela maintenant. Elle a fait plusieurs tentatives de suicide dont une à l'eau de Javel, elle est raide dingue du nettoyage, elle achetait beaucoup de détergents. Elle a eu une conduite sexuelle à risque, elle m'a dit : 'Je fais la pute pour gagner de l'argent.' Elle a maintenant deux enfants, et elle les bat. Le cinquième hurlait, je m'en souviens maintenant, la nuit dès l'âge de deux ans. J'ai peur que mon mari ait abusé mes enfants quand ils étaient bébés, cela me torture, parfois il leur donnait le biberon la nuit. J'ai su au procès que mon mari mettait mes troisième et quatrième enfants en situation pornographique sous les yeux du petit. La vue de ce dernier a commencé à baisser quand il était enfant, actuellement il a 26 ans et il a une cécité presque totale, il n'a plus qu'un dixième à chaque oeil. Les ophtalmologues ont d'abord évoqué une DMLA (Dégénérescence Maculaire Liée à l'Age : maladie dégénérative de la rétine), maintenant ils parlent d'une anomalie génétique, mais pour l'heure, il n'y a pas d'explication. De toute façon il y a vraiment de quoi être aveugle.
Ma fibromyalgie a débuté après que j'aie découvert mon fils avec son père. Après des violences comme cela, on survit c'est tout, c'est un raz de marée dans une vie. Je m'en suis tellement voulu que je me suis abîmée, ça détruit complètement, on devient fou, fou de chagrin. Le soir quand je m'endors je me dis que si je ne me réveille pas, ce n'est pas un problème, je fais des cauchemars toutes les nuits. Ma foi, la musique m'ont aidée, et puis j'ai été pratiquement toujours suivie par un ou une psychiatre. Les anxiolytiques, les antidépresseurs, les antalgiques, les sédatifs ont été mes compagnons de route pendant 40 ans. Néanmoins je suis moins angoissée depuis la séparation d'avec mon mari. Quand je vivais avec lui, c'était très difficile, toutefois je m'obligeais à voir ou avoir un petit bonheur par jour.
J'ai accepté cet entretien pour la bonne cause, pour faire avancer les choses. Si ma vie était à refaire, je ne la referais pas. Et pourtant je voudrais dire que je pense qu'au fond de chaque être humain, même ceux qui ont été salopés comme moi, il y a un diamant brut. »
Remarque
Une étude rapporte que 40% des religieuses ont été abusées dans l'enfance[^1]
Les maladies dites dégénératives de la rétine sont caractérisées par le déclenchement brutal ou progressif du suicide des photorécepteurs en réponse à une intensité lumineuse normale.[^2]